S'ECOULER - 5
Cinquième partie de S'ECOULER. Vous en serez à la moitié de l'histoire à la fin de cet extrait.
{SE PREPARER A}
Je suis rentré
rue Victor HUGO pour me laver (les voyages en train salissent beaucoup) et me
changer. Mes parents ne sont pas à la maison aujourd’hui, car ils sont encore
partis en vadrouille avec leur camping-car. Jamais je n’aurais imaginé qu’ils
bougeraient autant, une fois à la retraite. Je croyais que l’achat de ce RAPIDO
740 TDI d’occasion était juste le signe de la crise de cinquantaine de mon père.
Mais il se révéla être en réalité un investissement judicieux. Tant mieux s’ils
ne sont pas là, je préfère être ici incognito. Je n’aurai ainsi pas à leur
expliquer les raisons de ma présence à Saint-Malo. Elles ont déjà suffisamment
été difficiles à annoncer à Sophie, qui sait parfois manquer de
délicatesse : « Tu prends ton vendredi et tu restes à Saint-Malo tout
le week-end, tout ça parce qu’un ancien et vague amour vient de mourir
? »
L’enterrement
est prévu pour dans deux heures. J’ai peur de ne pas savoir comment réagir.
C’est bête, mais je me rends compte que c’est la première fois que je vais à un
enterrement. En tant qu’adulte, je veux dire. J’ai déjà assisté à celui d’une
de mes grands-mères mais j’étais trop petit pour m’en souvenir. Faut-il avoir
l’air triste, pour être en accord avec les sentiments des proches ? Ou
bien joyeux et combatif, et essayer de les consoler de leurs malheurs ? Faut-il
dire aux proches que l’on est désolé (Pour être présent à un enterrement,
il est évident qu’on est désolé ; c’est parler pour ne rien dire à mon
avis). Que l’on partage leurs chagrins (Personnellement, je prendrais mal
qu’un sinistre inconnu ose affirmer qu’il partage le même chagrin que moi si
j’étais un parent de la personne décédée) ?
Il faut
« présenter ses condoléances », ça j’en suis sûr, et même si je peine
à saisir l’intérêt d’un tel acte. Mais je vais devoir me présenter tout court,
surtout.
En effet, je
n’ai pas été invité. Est-ce qu’il faut une invitation pour assister à un
enterrement ? Je n’ai rien reçu. Ni lettre, ni mail, ni appel
téléphonique. A vrai dire, je m’en étonne peu, puisque si les parents de Julia
ont possiblement entendu parler de moi, à l’époque où j’étais avec elle, ils ne
m’ont à coup sûr jamais rencontré. L’occasion ne s’est jamais présentée. Nous
nous donnions rendez-vous soit chez moi, soit en ville, mais jamais chez elle,
car je n’avais pas encore le permis à l’époque. La maison de Julia était
excentrée de la ville, à Rothéneuf, et jamais nous ne nous y sommes retrouvés tous
les deux.
Le destin est
si cruel avec moi que le cimetière de Rocabey est situé à deux pas de chez moi.
J’imagine que Julia aurait sans nul doute affirmé que cela n’était en rien dû
au hasard…