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Le blog N
10 mars 2008

S'ECOULER - 8

L'épisode 8 est juste au -dessous. Il n'attend plus que vos yeux pour le lire.

{BOIRE POUR}

 
La rue du Bas Chemin est apparue, enfin. Le village de Rothéneuf est un endroit connu de tous les Malouins, car il abrite un jardin gigantesque de statues tordues et grimaçantes, taillées à même la pierre. Même si elles me faisaient très peur quand j’étais petit, je demandais toujours à mon père de m’y emmener à vélo, lors de nos promenades du dimanche matin. J’ai appris plus tard que ces sculptures étaient l’œuvre d’un abbé sourd et muet qui n’avait plus que la sculpture pour s’exprimer.

Au moment de rejoindre les invités qui étaient déjà là en nombre, nous nous sommes séparés moi et mon couple muet, et nous nous sommes soigneusement évités jusqu’à la fin de l’après-midi.

L’idée de découvrir l’endroit où Julia avait passé son enfance et son adolescence m’excitait beaucoup. J’aurais bien aimé découvrir sa chambre d’adolescente. L’adolescent décore sa chambre comme son propre intérieur, et l’intérieur d’une fille a quelque chose de mystérieux et de merveilleux pour un garçon. Cela me rappelle qu’une grande pédopsychiatre dont le nom m’échappe écrivait que les enfants représentent leur corps quand ils dessinent des maisons. Fleurs géantes, couleurs vives et sourire de clown, tout va bien passons au suivant. Absence de volet, soleil aux rayons tordus, et c’est convocation directe chez le psychologue scolaire. Au lycée, je m’imaginais souvent les chambres des filles qui me plaisaient. Cela m’excitait.

J’ai pu faire la connaissance des parents de Julia. Je ne les avais jamais rencontrés auparavant. Je me rappelais juste d’une photo de son père, que Julia conservait dans le portefeuille. Je me remémorais en particulier l’énorme touffe de cheveux d’un noir de jais. Elle est toujours là, même s’il m’a semblé qu’elle était plus pâle et moins triomphante qu’il y a dix ans. Le père a eu la bonne idée de transmettre à sa fille ses traits malicieux, qui ont fait d’elle une fille pétillante. En revanche, j’ai reconnu peu de Julia dans la mère. C’est étrange d’ailleurs, car Julia m’avait dit un jour qu’elle ressemblait beaucoup à sa mère. Peut-être parlait-elle du caractère. En tout cas ils ont tous les deux été très gentils. Ils ont affirmé se rappeler très bien de moi, dit qu’à l’époque, Julia ne faisait que parler de moi à la maison, et qu’ils me remerciaient pour la façon dont je m’étais comporté avec elle. J’ai été tout abasourdi du flot d’éloges dont ils m’ont gratifié. Pour tout dire, je n’ai pas cru à la sincérité de leurs louanges, et mets maintenant ceci sur le compte de l’alcool et du chagrin. La tristesse rend vulnérable, et la faiblesse rend les gens plus enclins à la philanthropie. L’alcool aussi, parfois.

J’ai trouvé leurs signes d’affection d’autant plus étranges qu’après tout j’ai occupé bien peu de temps dans la vie de leur fille. J’éprouve de la honte à cela, mais au final ma relation avec Julia a duré seulement quatre mois. Quand je pense à des amis qui se sont connus à l’age du lycée, et qui sont encore aujourd’hui ensemble, et même parents pour certains d’entre eux, je me dis que nos misérables quatre mois ne représentent pas plus que quelques grains de sable. Ce n’est rien dans la vie d’un homme, même jeune. J’ai repensé à ce que Sophie m’avait reproché. « Faire toute une histoire pour un vague amour ». Je l’ai détesté au moment où elle m’a dit ça, alors que maintenant que Julia est dans une boite en bois, je me rends compte que ce n’était sûrement pas plus que « vague ».

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